Principaux Thèmes Abordés :

  • Définition et Évolution de la France-Afrique : Rétrospective de ce système de relations privilégiées entre la France et ses anciennes colonies africaines, de sa genèse post-indépendance à son déclin actuel.
  • Mécanismes de Financement Politique Occultes : Révélations détaillées sur les circuits de collecte et de transfert de fonds africains vers les campagnes politiques françaises, notamment sous les présidences de de Gaulle, Pompidou et Chirac.
  • Rôle Central de Figures Clés : Mise en lumière de l’influence déterminante de personnalités comme Jacques Foccart et Robert Bourgi dans le maintien et l’opérationnalisation de ce système.
  • Motivations et Conséquences de la France-Afrique : Exploration des raisons d’être de ce modèle, des avantages réciproques perçus (maintien au pouvoir pour les dirigeants africains, financement politique et accès aux ressources pour la France), et des critiques éthiques et économiques.
  • Déclin de l’Influence Française en Afrique : Analyse des facteurs contribuant à la perte d’influence de la France sur le continent, notamment l’évolution des attentes africaines, l’émergence de nouveaux acteurs internationaux (Russie, Chine), et le maintien d’une approche jugée arrogante par les élites africaines.
  • Avenir des Relations Franco-Africaines : Réflexions sur la nécessité d’une adaptation des relations bilatérales, passant d’un modèle de tutelle à un partenariat entre égaux.

Idées et Faits Importants :

  • La France-Afrique Originelle N’Existe Plus : Robert Bourgi affirme clairement que la France-Afrique telle qu’il l’a connue et pratiquée a disparu sous sa forme initiale. Il précise : « je pense que la franceafrique tel que je l’ai connu dans laquelle j’ai évolué dans laquelle j’ai travaillé où j’ai entendu des choses qui peuvent se dire et d’autres qui peuvent pas se dire n’existe plus sous cette forme originelle. »
  • Financement Politique via les Chefs d’État Africains : Bourgi décrit un système bien rodé où les présidents africains (notamment Bongo et Sassou-Nguesso) fournissaient des fonds en espèces pour financer les campagnes électorales françaises. Il raconte l’anecdote d’un maire prenant visiblement du poids grâce aux liasses de billets : « il prend un paquet il met là il prend un deuxième paquet il met là… et il se lève et il va pour fermer ilarve il arrivit je dis mais Monsieur le Maire qu’est-ce que vous faites il me dit mais j’ai dis mais Monsieur le Maire ça se voit ça se voit vous avez pris du poids à la fin de la présidence Chirac… »
  • Rôle de Jacques Foccart : Foccart est présenté comme la figure centrale de la mise en place et du maintien de ce système post-indépendance, agissant comme un « censeur » et un « proconsul » pour le président français en Afrique. Il avait une mainmise sur les richesses économiques des pays africains en échange du maintien au pouvoir des dirigeants locaux. « ils ont mis en place ils ont concoé un système de gouvernement et de relation qui faisait de du président de la République française le super président le proconsul dans les autres républiques africaines. » et « Lorsqu’un chef d’État commençait plus ou moins à vouloir se montrer euh dégager de l’emprise française comme par hasard un coup d’État survenit… »
  • Implication Personnelle de Robert Bourgi : Bourgi raconte son implication dès l’enfance, son père ayant collecté des fonds pour le RPF de de Gaulle. Il décrit ensuite son propre rôle de collecteur de fonds pour Jacques Chirac, notamment en Côte d’Ivoire, en lien étroit avec Foccart et les communautés libanaises locales. « et là Chirac me dit vous savez l’action politique que je mène a besoin d’argent je sais par Jacques comme il appelé focard ce que fit votre père pendant les années pour le RPF je souhaiterais que les commerçants libanais les richissime libanais de Côte d’Ivoire contribuent à financer… »
  • Anecdotes Révélatrices : L’interview est riche en anecdotes illustrant les méthodes de transfert de fonds (les jambés remplis de dollars envoyés par Blaise Compaoré, la veste de Chirac gonflée de liasses de billets offertes par Bongo). Ces récits soulignent le caractère informel et secret de ces transactions.
  • Fin de la Pratique avec l’Arrivée de Sarkozy : Bourgi explique que ce système de financement direct via les chefs d’État africains a pris fin avec l’élection de Nicolas Sarkozy, qui ne souhaitait plus de telles pratiques. « Nicolas me dit tu sais les chirakiens c’est ça Robert ils te foutent un coup de pied au queue au cul quand ils n’ont plus besoin de toi… maintenant tu es avec moi tu ne me quitteras pas… mais une chose je ne veux pas un sou des chef d’État africain… moi je ne veux plus ça. »
  • Regrets et Critique Rétrospective : Bourgi exprime un certain regret quant à l’utilisation de cet argent, estimant qu’il aurait pu être utilisé pour le développement des pays africains. « cet argent aurait pu servir à autre chose dans ces pays-là… » Il qualifie rétrospectivement ces pratiques de « Noser à bon ».
  • Perte d’Influence Française Due à l’Arrogance : Bourgi souligne que l’arrogance perçue des dirigeants français est un facteur majeur de la perte d’influence en Afrique. Les élites africaines ne supportent plus les « donneurs de leçons ». « ce que ne supporte pas aujourd’hui tant les dirigeants africains et les populations africaines les élites africaines c’est l’arrogance de nos dirigeants… »
  • Concurrence Internationale Accrue : L’interview met en garde contre la montée en puissance de la Russie et de la Chine en Afrique, qui courtisent les dirigeants africains et pourraient supplanter l’influence française. « je mets en garde nos dirigeants français… c’est qu’il faut prendre garde à la Russie et à la Chine et à d’autres pays… c’est une manière pour les Russes et pour les Chinois de nous piquer euh nos relations africaines et ça a commencé déjà. »
  • Nécessité d’un Nouveau Partenariat : Bourgi estime que la France doit accepter de devenir un partenaire parmi d’autres en Afrique, la « première place » étant définitivement perdue. « il faut que la France aujourd’hui accepte d’être un partenaire parmi tant d’autres. »
  • Erreur de l’Intervention en Libye : Bourgi révèle que de nombreux chefs d’État africains avaient mis en garde Nicolas Sarkozy contre l’intervention en Libye, prévoyant les conséquences déstabilisatrices pour la région. « la plupart des chefs d’État africains m’avait chargé de passer le message à Nicolas Sarkozy euh d’éviter cela… et même président Bongo avait dit à Nicolas Sarkozy si jamais tout cela arrive si Kaddafi tombe l’arsenal militaire immense de Kaddafi va profiter au groupes terroristes islamistes qui pululent en Afrique de l’Ouest et c’est ce à quoi nous assistons aujourd’hui. »

Conclusion :

L’interview de Robert Bourgi offre un témoignage direct et détaillé sur les rouages de la France-Afrique, un système opaque de relations politiques et financières qui a longtemps caractérisé les liens entre la France et ses anciennes colonies. Si ce système semble révolu dans sa forme originelle, les réflexions de Bourgi soulignent l’importance de comprendre ce passé pour naviguer dans le contexte actuel de perte d’influence française en Afrique, marquée par de nouvelles dynamiques internationales et une demande croissante de relations plus équilibrées et respectueuses de la part des nations africaines. Son récit met en lumière le rôle crucial d’intermédiaires et les pratiques controversées de financement politique qui ont marqué cette période.